Traversée du désert (Black Rock, Nevada)
Le désert est le milieu de la révélation, il est génétiquement et physiologiquement autre, sensoriellement austère, esthétiquement abstrait, historiquement hostile... Ses formes sont puissantes et suggestives. L'esprit est cerné par la lumière et l'espace, par la nouveauté cénesthésique de la sécheresse, par la température et par le vent.
Le ciel du désert nous entoure de toute part, majestueux, terrible. Dans d'autres lieux, la ligne d'horizon est brisée ou cachée ; ici, unie à ce qui se trouve au-dessus de notre tête, elle est infiniment plus vaste que dans les paysages ondoyants et les régions de forêts.
Les prophètes et les ermites vont dans le désert. Les exilés et les pélerins le traversent. C'est ici que les fondateurs des grandes religions ont cherché les vertus spirituelles et thérapeutiques de la retraite, non pour fuir mais pour retrouver le réel.
Paul Shepard, L'homme dans le paysage : un aperçu historique de l'esthétique de la nature.