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Au pays de Lambert
5 août 2011

SUPER 8, de JJ Abrams

super8-camera« Super 8 » est aux Spielbergeries des eighties ce que « Scream » était aux slasher movies de la décennie précédente, à savoir un « hommage » (à prononcer en anglais avec l’accent français). Bon, précisons que, dans les années 80, comme les héros du film, je tournais des histoires de zombies en super 8mm (merci papa pour ta caméra), avec pétards, ketchup, essayant de réquisitionner à chaque fois la plus belle fille de la classe dans un second rôle. Donc, je constitue, à la base, le public rêvé (CAD : « lecteur-de-Mad-Movies-bricoleur-de-monstres) » pour ce JJ Abrams.  Force est de reconnaître que, durant la première moitié du film, la nostalgie-camarade fonctionne à plein rendement. Les citations visuelles renvoyant à « Close encounters » et « ET » s’enchaînent (faisceaux de torches fouaillant la nuit, banlieue pavillonnaire + colline en amorce, enfant fracassant sa poupée sur une table, vélos en veux-tu en voilà, camions de l’armée avec le thème musical qui-va-bien…), le disciple respectant scrupuleusement les préceptes du maître, même si les postulats dramatiques du film de 1982 sont inversés : ici, la mère est la grande absente du noyau familial, et l’extra-terrestre est belliqueux (du moins, au premier abord).  Ajoutons à cela que les jeunes acteurs sont formidables, photogéniques sans être non plus des « fils de pub ». On n’avait pas vu une telle alchimie depuis « Stand by me ». La scène où la gamine transcende un dialogue de série Z pour créer un vrai moment d’émotion est tout simplement à tomber par terre, et l’on pense alors « Attention, nous sommes peut-être en présence d’un grand film et pas simplement du blockbuster de l’été ». Malheureusement, les choses se gâtent par la suite, et l'exercice de style tourne à vide. La faute à qui ? Un script assez convenu : des coupures d’électricité se succèdent (brrrr), des gens sont « abductés » (re-brrrrr, mais pas trop : on n’est même pas dans un « PG thirteen »)… Des ficelles un peu grosses (le prof de biologie des ados était un savant dissident mais apparemment le FBI lui a fichu la paix pendant 20 ans)… Admettons. Le hic est que, plus l'aspect SF prend le dessus sur l'aspect intimiste, moins le film devient intéressant (ce n'était pas le cas dans "E.T." !). Dans l'idéal, la passion des gamins pour le cinéma aurait dû être liée à la résolution de l'intrigue mais, en l'état, le film souffre d'une étrange dichotomie. Et tout ça pour quoi, au final ? L’E.T. est un faux méchant mais un vrai gentil incompris. Le jeune héros le gratifie d’ailleurs d'une psychothérapie express : « On a des coups durs dans la vie, mais il faut savoir aller de l’avant ». Éloge du « lâcher prise » (se reporter à Judith Godrèche dans « Psychologie magazine »  n°1234) ! Ce qui nous amène à la leçon suivante : quand vous avez un message à délivrer, évitez de le faire par les dialogues (la métaphore visuelle de la dernière scène est, à ce titre, plus convaincante). Il manque à tout cela ce que nous appellerons, faute de mieux, un point de vue (une vision ?), pour que le film se hisse à la hauteur de ses prestigieux prédécesseurs. Après tout, « Gremlins » ou « Back to the future » avaient prouvé en leur temps que des réalisateurs pouvaient véhiculer un univers personnel tout en étant cornaqués par le Maître. Ces réserves exprimées, il serait cependant dommage de bouder son plaisir, car plaisir il y a (comme ce retour hilarant du film super 8mm durant le générique de fin). Mais on ne peut s’empêcher de regretter l’absence d’un, disons, Joe Dante aux manettes. Les années 80 passées à la moulinette de ce dernier auraient sans doute été plus savoureuses (ici, le background n’est qu’effleuré). Idem pour le chapitre « ode à la cinéphilie naissante » : le projet était nettement plus abouti et cohérent dans le trop méconnu « Panique à Florida Beach » du même Dante (film qui jouait en outre admirablement sur son contexte de guerre froide à son paroxysme) ! Dans trente ans, un wonderboy aujourd’hui boutonneux nous expliquera sans doute à quel point c’était génial de tourner en numérique, avec After Effects, puis de poster son court-métrage sur Youtube (voir ci-dessous ;) ). La roue tourne…

 

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