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Au pays de Lambert
12 juin 2009

Extrait

Avant de me lancer dans un roman, je m'amuse parfois à imaginer mon héros chez le psy. Où en est-il, dans sa tête, lorsque l'aventure commence ? Evidemment, la chose est plus aisée avec un personnage humain et (plus ou moins) contemporain qu'avec un troll des collines ou un extra-terrestre protoplasmique de la planète Xombul. Pour une fois, ce petit exercice mental n'a pas été coupé au montage et devrait ouvrir le chapitre 1 de la trilogie "Black cristal" (titre de travail) co-écrite avec Stéphane Descornes.

Petit extrait :

– Entrez, jeune homme.

Mark Finn, dix neuf ans, s’exécute, sur la défensive. C’est la première fois qu’il met les pieds dans le cabinet d’un psychanalyste. Il ne voulait pas y aller – il n’en voyait pas l’utilité – mais ses parents ont insisté, la conseillère d’orientation a insisté, bref… il a cédé.

– Prenez place, je vous en prie.

Des rayonnages remplis de livres très sérieux, très épais, occupent les murs, quand ces derniers ne sont pas percés par des fenêtres. Mark hésite entre le fauteuil et le sofa, tous les deux recouverts de velours carmin.

– Je dois m’allonger, ou bien… ?

– Comme vous voulez.

Il opte pour le fauteuil. Le psy le regarde avec un petit sourire difficile à interpréter. Malicieux ? Bienveillant ? Moqueur ? Un brin parano, Mark opterait plutôt pour la troisième option.

– Vous ne prenez pas de notes ? demande-t-il en s’étonnant de l’absence de carnet, de stylo, dans les mains de son interlocuteur.

– Pas forcément. Détendez-vous… Vous êtes nerveux ?

– Pour être franc, je ne sais pas très bien ce que je fais ici.

Toujours ce petit sourire énigmatique, digne de la Joconde, qui commence à titiller les nerfs de Mark.

– Alors ? lance le psy.

– Alors quoi ?

– Si vous deviez définir votre état d’esprit du moment, comme ça, en une seconde, sans réfléchir. Que diriez-vous ?

– Gris.

– Gris ?

– Oui.

– Pourquoi ?

– Je ne sais pas. Vous m’avez demandé de répondre sans réfléchir.

L’adulte croise ses doigts, coudes posés sur le bureau.

– Maintenant vous pouvez. Réfléchir…

Mark s’accorde quelques instants.

– Ma vie est grise. Je redouble ma terminale. Je suis bien parti pour foirer mon bac une deuxième fois. Je ne sais pas ce que je vais faire après. Mes parents flippent… (Il hausse les épaules.) C’est banal, terriblement banal. Gris, quoi.

Hochement de tête du psy.

– Qu’est-ce qui vous intéresse dans la vie ?

– ?...

– Vous n’avez pas des centres d’intérêt, des passions ? Je ne sais pas moi… la musique, les films, le sport ?

– Le sport, c’est pas trop mon truc. Je suis moyen. Comme dans toutes les autres matières. Enfin, celles où je ne suis pas carrément mauvais je veux dire, style les maths, le français… Sinon, j’aime bien les films et la zic, comme tout le monde ; mais de là parler de passion… Centres d’intérêt ? Non, je ne sais pas.

– À quoi passez-vous votre temps libre ?

– WoW ! réplique Mark, du tac au tac.

– Comment ça « Woo » ?

– Vous ne connaissez pas Word of Warcraft ?

– Ah, oui, le jeu vidéo…

– C’est ça. Je déchire à Warcraft.

Le psy se met à prendre des notes. Levant le nez de sa feuille, il demande :

– Vous aimeriez que votre monde soit comme celui de Warshaft ?

Warcraft, corrige Mark.

– Pardon. Vous aimeriez que votre monde, le monde réel, soit plus… intense ? Plus coloré ?

Le garçon hésite.

– Oui, je… je crois. Enfin, je suis pas un « no life ». Je sais faire la différence entre un steak de loup et une vraie entrecôte, si vous voyez ce que je veux dire…

A suivre...

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